Gestion des forêts au Brésil, la parole aux acteurs : Cristina Galvão Alves, Service Forestier Brésilien

Au vu de l’actualité récente, Le Commerce du Bois a souhaité consacrer un dossier sur le Brésil dans sa revue d'Automne en mettant en lumière les initiatives privées et publiques de gestion durable des forêts.Nous avons donné la parole à des acteurs ayant une parfaite connaissance du terrain qui, sans chercher à nier la réalité de la déforestation dans le pays, présentent des actions concrètes qui permettent d’aboutir à une production responsable de bois, garante de la préservation de l’environnement et d’un développement économique des populations.
*Les propos recueillis n’engagent que l’interviewé et pas la rédaction*

Voici l'entretien avec avec Cristina Galvão Alves, ingénieure forestière, Master in Science en Science de Forêts Tropicales, Docteur en Science Forestière, fonctionnaire du Service Forestier Brésilien.
 
Qu’est-ce que le Service Forestier Brésilien (SFB) :
Département du Ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de l’Approvisionnement brésilien, son rôle est de promouvoir la gestion durable des forêts brésiliennes tout en visant l’intégration du développement forestier à l’agenda économique et stratégique du pays. Pour mener à bien sa mission, le SFB met en œuvre différents outils pour la promotion de chaînes de production de bois issus de forêts gérés durablement mais aussi, pour la promotion de forêts plantées, de concessions forestières, d'inventaires forestiers nationaux et de la mise en place du registre environnemental rural. Le programme de concession forestière du SFB couvre actuellement 1,05 million d'hectares à travers 18 contrats en vigueur dans les États du Rondônia et du Para. Le régime de concession forestière protège ces zones contre les incendies, les invasions de terres, les vols de bois et contribue à éliminer le commerce illégal du bois et à générer des emplois et des revenus au niveau des États et des municipalités.
 

Pouvez-vous nous parler de la forêt brésilienne, notamment de sa superficie, de sa répartition publique/privée, … ?
Le Brésil est situé en Amérique du Sud. Sa superficie de 851 millions d’hectares dont 59% sont composés de forêts plantées ou naturelles, avec six biomes (cinq terrestre et un maritime).
Le Brésil est un des pays possédant la plus grande diversité biologique dans le monde.
Parmi les différents types de végétation qui composent notre pays, il existe deux formations de forêts tropicales et humides (la Forêt Atlantique et l’Amazonie), deux forêts d´environnements secs (la Caatinga et le Cerrado), une formation de plaine inondable (le Pantanal) et une formation de champs naturels (la Pampa).
Jusqu’à ce jour, les concessions forestières sont situées dans le biome amazonien, ce qui correspond à 49,3 % de la superficie totale du Brésil.
Les forêts brésiliennes, naturelles ou plantées, ont deux types de domaines : publiques et privées.

Les forêts publiques peuvent appartenir aux trois niveaux de gouvernement : fédéral, départemental et municipal et ont plusieurs objectifs : les aires protégées, les réserves extractives, les projets de peuplement, et les territoires indigènes.
Les concessions forestières sont mises en œuvre dans des forêts publiques destinées aux pratiques de gestion forestière à chaque niveau de gouvernement.
Les forêts publiques fédérales concessionnées sont situées dans des « Forêts Nationales » et des « Zones de Protection de l'Environnement »,     qui sont des catégories de zones protégées destinées à une production durable résultant de la gestion des ressources forestières ou compatibles avec celle-ci. L'étendue des zones éligibles pour la mise en œuvre des concessions forestières est actuellement de 17,2 millions d'hectares, ce qui correspond à 5,6 % des forêts publiques disponibles dans le pays.
Le Service Forestier Brésilien publie un livret qui présente les principales informations sur les forêts du Brésil. Le livret, en anglais, est accessible ICI.


Quels sont les principaux débouchés de la ressource forestière (bois d’industrie, bois énergie, bois d’œuvre) ?
La production du bois au Brésil provient de forêts plantées, de l’aménagement durable des forêts naturelles et des autorisations de déforestation.
Les forêts plantées utilisent surtout deux genres d’espèces exotique au Brésil : l’Eucalyptus et le Pinus. La plus grande partie des bois produits est destinée à la fabrication de cellulose et de papier, mais elle est aussi destinée à production de différents types de panneaux, à la construction d’édifices, de meubles, et à l’énergie.
Les bois d’origine native (qui proviennent de forêts naturelles), surtout en Amazonie, ont comme principales utilisations : le bois d’œuvre, la production de panneaux, la fabrication de meubles, et les résidus sont destinés à la génération d’énergie.

Quels sont les principaux textes qui font référence en matière de gestion des forêts (ex. code forestier…), les champs de compétence des différents ministères (Agriculture, Environnement…) et les grandes orientations en matière de politique forestière ?
Concernant la protection et l’aménagement durable de la végétation native du pays, en incluant les différents types de forêts, le principal texte est la Loi de la Protection de la Végétation Native, établi en mai 2012.
La gestion, la protection et le contrôle de la forêt et du déboisement sont réalisés par les structures gouvernementales dédiées à l’environnement, au niveau fédéral et départemental.
Au niveau fédéral il s’agit du Ministère de l’Environnement, de l’IBAMA (Institut National de l'Environnement et des Ressources Naturelles Renouvelables), et de l’ICMBio (l’institution responsable de la gestion des zones protégées).
En mars 2006, avec la publication de la loi sur la gestion des forêts publiques, nous avions le cadre juridique nécessaire pour faire des concessions forestières dans le pays et la création du Service Forestier Brésilien pour gérer les concessions forestières au niveau fédéral.
Le Service Forestier Brésilien est un département du Ministère de l'Agriculture, de l'Élevage et des Approvisionnements. Notre mission est la promotion de la gestion durable des forêts brésilienne, en visant l’intégration du développement forestier à l’agenda économique et stratégique du pays.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le contenu des plans d’aménagement, ont-ils un caractère obligatoire, des contrôles sont-ils diligentés ?
L’aménagement forestier a pour objectif d´obtenir des avantages économiques, sociaux et environnementaux, en respectant les mécanismes de soutien de l'écosystème géré et en envisageant l'utilisation de plusieurs essences de bois et des produits non-ligneux, ainsi que l'utilisation d'autres biens et services forestiers.
Plus spécifiquement, pour la production du bois, il y a un ensemble des pratiques liées à la cartographie des forêts et des arbres, à la planification et à l’exécution d’abattage des arbres et du traînement des grumes, à la construction d’infrastructures (parcs de stockage, routes et ponts) visant à minimiser l´impact sur la forêt restante et respectant la capacité à reconstituer le stock extrait au cours d'un cycle de coupe.
Selon les réglementations du gouvernement brésilien, la limite d'extraction concernant l'intensité de coupe est située entre 21 et 30 m3/ha, avec des cycles de coupe compris entre 25 et 35 ans. Ces volumes extraits correspondent à la récolte de 4 à 6 arbres par hectare de forêt pour chaque cycle de coupe.
Au niveau fédéral, la pratique de l’aménagement forestier est une activité soumise à une licence d'exploitation forestière donnée par l´IBAMA, qui est l'agence nationale pour l'environnement.
L’émission de licences d´exploitation forestière est subordonnée à l’approbation du plan de gestion forestière et à la délivrance d’autorisations d’exploration forestière, renouvelées chaque année. Et, oui, il est obligatoire de posséder une licence pour pratiquer l’aménagement des forêts naturelles, soit en forêts publiques, soit en forêts privées.
Le transport du lieu d'origine des grumes (dans la forêt) jusqu’à la transformation finale et son exportation sont contrôlés au moyen des « documents d'origine forestière » (DOF).
L´IBAMA réalise, chaque année, une visite technique sur les zones sous licence afin de vérifier le respect des exigences techniques et légales accordées au moment de l´émission de la licence.
Les gouvernements départementaux sont chargés de licencier des plans d’aménagement pour les forêts privées et pour les forêts sous leur domaine.

Le développement agricole fait peser une pression importante sur les surfaces forestières, quelles sont les pistes d’actions possibles pour redonner de la valeur à la forêt et les préserver ? (ex. marchés du carbone)
La maintenance de la couverture forestière doit être faite à travers un contrôle du déboisement et de l’exploitation illégale du bois en conjugaison avec des efforts pour la promotion de la production durable des produits forestiers (bois et non ligneux). Cela veut dire qu’il faut des politiques de contrôle et de fiscalisation ainsi que des politiques publiques de promotion de la production durable tout en visant le développement économique des régions avec grande présence de forêts. Cette production peut être au niveau industriel ou au niveau des communautés.
Une autre manière de promouvoir la protection et la conservation des forêts seraient des politiques publiques liées aux paiements pour les services environnementaux.
Les contributions données pour soutenir la gestion des forêts, la maintenance des différentes formes de vie (habitat de milliers d’espèces d’animaux et de végétaux), les services liés à la qualité de l’air et des eaux, à l’équilibre climatique devraient être rémunérées.

Certaines essences de bois comme l’Ipé ont connu un engouement important provoquant une tension sur les prix avec des risques d’illégalité associés. Comment éviter ce phénomène et quelles sont les pistes d’actions possibles (ex. développement de plantations certifiées, caractérisation d’essences alternatives, contrôles renforcés…) ?
Indépendamment de l’espèce du bois, je crois que les deux principales actions qui doivent être mise en place pour la promotion de la conservation des espèces sont :

(a)    L’acquisition des bois avec la garantie d’origine légale, soit à travers des certifications, soit à travers l’utilisation d’un système de chaîne de traçabilité permettant l´identification du chemin fait par le bois depuis le terrain en passant par sa transformation dans l'industrie et par son exportation jusqu’au consommateurs, comme le système développé par le Service Forestier Brésilien ; et
(b)    L’intérêt et la disposition des entreprenants, des marchands et des consommateurs pour connaitre, produire et utiliser des espèces alternatives, ce qui permettra la réduction de la pression pour l’exploitation de seulement quelques espèces qui ont une basse occurrence d’individus par hectares, et dont le bois peut être substitué par une autre espèce avec des qualités et caractéristiques similaires.

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